Il faut s’attacher avant de se détacher
Des conditions à la création d’un attachement sécurisé
- Pour un bébé, l’attachement commence avec le corps de sa mère par les interactions précoces intra et extra-utérines. On parle de l’importance du « bounding », qui signifie « relié ». Par la suite, le « bounding » se vit dans une approche de peau à peau et par les câlins.
- La synchronisation est nécessaire et favorise la sécurité affective. Cela consiste, pour le parent, à décoder les besoins de son enfant et à ajuster ses actions en réponse aux comportements de ceux-ci. Le parent¹ répond aux besoins de son enfant, dans un délai raisonnable, avec constance.
- Le lien d’attachement est un lien émotionnel durable qui résulte d’interactions régulières et fréquentes entre l’enfant et des personnes significatives de son entourage.
- L’attachement se tisse, jour après jour. Elle est stable dans le temps, sauf pour des événements majeurs. Les impacts d’un attachement sécurisé sont favorables, particulièrement sur le développement des compétences sociales, des apprentissages, de la persévérance, d’une plus haute estime de soi, d’une image plus réaliste de qui ils sont et d’une plus grande autonomie.
¹Le parent, la figure d’attachement ou le preneur de soin sont les acteurs principaux à la création du lien d’attachement.
Le plus grand facteur de PROTECTION chez une personne
✓ La qualité des relations d’attachement dans l’enfance semble agir comme « médiateur » sur la santé mentale.
✓ Un attachement de bonne qualité contribue à une forme de résilience.
Un enfant heureux est un enfant sécurisé.
(Cyrulnic, 2019)
Les styles d’attachement
Un style d’attachement est un « pattern » conditionné de 0 à 2 ans, à partir des actions et des attitudes du parent en réponse aux besoins de leur enfant. Ce « pattern » influence directement la dynamique relationnelle qu’entretiendra l’enfant avec les personnes qui l’entourent durant sa vie. Voici ces actions et attitudes parentales, ainsi que les résultats perçus par l’enfant, selon, Ainsworth, M. (1969) et Main. M. (1986), psychologues spécialiste des styles d’attachement.
Style d’attachement sécurisé
Le parent | Résultat perçu chez l’enfant |
➮ Le parent est sensible, compréhensif et bienveillant. ➮ Il décode les besoins de son enfant et ajuste ses comportements pour y répondre. ➮ Il met une structure stable autour de son enfant et est cohérent. ➮ Il manifeste son affection par une physique, en lui prodiguant des gestes d’affection. | ➮ L’enfant a confiance en la relation. ➮ Il explore son environnement et s’y investit. ➮ Il ressent de la sécurité affective. ➮ Il se montre plus sociable. ➮ Il va plus spontanément vers les autres. ➮ Il a une plus grande autonomie. ➮ Il a plus de persévérance et d’optimisme. |
Style d’attachement insécurisé ÉVITANT
Le parent | Résultat perçu chez l’enfant |
➮ Le parent est peu expressif, peu démonstratif. Il montre de l’aversion pour le contact physique, les gestes d’affection. ➮ Il a un contact plus distant, plus froid avec son enfant. ➮ Il se montre souvent en colère, irrité, rejetant et rigide. ➮ Il décode peu le besoin de son enfant et lui porte peu d’attention. | ➮ L’enfant développe une méfiance envers les autres qui se manifeste par des comportements d’évitement à la proximité physique et à l’engagement émotionnel. ➮ Il explore son environnement sans s’y engager précisément. ➮ Il ne comprend pas ses besoins, n’ayant pas reçu de réponses adéquates de ses parents. Il aura du mal à les exprimer, ne les décodant pas lui-même. ➮ Il lui est difficile d’exprimer ses émotions et de chercher à se faire réconforter par l’adulte. |
Style d’attachement insécurisé AMBIVALENT
Le parent | Résultat perçu chez l’enfant |
➮ Le parent aime la proximité physique et les gestes d’affection, mais le prodigue de façon imprévisible : il s’accroche à son enfant sans que celui-ci le demande, et à d’autres moments, il l’ignore et se montre très impatient. ➮ Le parent n’arrive pas à décoder le besoin de son enfant passant son propre besoin en premier. | ➮ Au service de garde, l’enfant s’accroche après le parent le matin et le rejette le soir. ➮ Il est méfiant face aux relations et explore moins son environnement. ➮ Il ne décode pas ses besoins et les manifeste par des comportements de dépendance, de rigidité et par beaucoup de pleurs. |
Écouter la Vidéo :
La situation étrange, Mary Ainsworth, (2019), 15:52 minutes.
Style d’attachement insécurisé DÉSORGANISÉ
Le parent | Résultat perçu chez l’enfant |
➮ Le parent peut avoir des défis qui l’amènent à ne pas être disponible à prendre soin de son enfant à certains moments : des difficultés de santé mentale, la dépression, l’alcoolisme, la violence, la drogue, etc. ➮ Le parent peut se montrer rejetant, négligeant, terrifiant, violent et parfois réconfortant. | ➮ L’enfant n’arrive pas à développer son style d’attachement. ➮ L’enfant ne pouvant enregistrer aucune forme de schéma relationnel les rejette. ➮ L’enfant est beaucoup plus vulnérable au stress, plus anxieux et colérique. ➮ Ces enfants sont beaucoup plus à risque de développer un problème de santé mentale, comme le trouble de l’attachement. |
Le résultat du style d’attachement devient sa propre PERCEPTION à court, moyen, long terme : OPTIMISTE/CONFIANT ou PESSIMISTE/MÉFIANT ?
- Une personne ayant un style d’attachement sécurisé voit plus facilement le positif derrière les événements, car elle a enregistré que le monde est bienveillant.
- Un adulte ayant un style d’attachement sécurisé a plus confiance au plein potentiel des enfants et voit plus facilement l’humain derrière le comportement des gens.
- Une personne ayant un style d’attachement insécurisé a enregistré une méfiance face à la relation et voit plus facilement le mauvais côté des choses.
- Un adulte ayant un style d’attachement insécurisé a plus de facilité à être dans la méfiance et aura du mal à faire confiance aux enfants qui ont des défis socioaffectifs.
La figure d’attachement : le parent ou le preneur de soins
« La figure d’attachement est la personne à laquelle l’enfant adresse ses comportements d’attachement. Souvent la mère, mais toutes personnes répondant aux besoins du bébé pourra être considérée comme figure d’attachement. »
(Delage et Martel, 2018. p.22)
L’attachement PRIMAIRE : la mère, mais aussi le père
Selon Boris Cyrulnic, 2016, l’enfant va s’attacher à la figure prioritaire, la mère qui, même absente (durant la journée), garde la priorité et la force de l’empreinte, car elle a été la première à faire une trace dans le psychisme de son enfant. La mère conserverait la priorité de la relation d’attachement, mais pas l’exclusivité.
L’attachement avec le père
« Peu importe la culture, 35% des enfants ne sont pas bien dans les bras de leur mère. »
(Cyrulnic, 2016)
- Dans les années 50-60, les recherches sur l’attachement n’incluaient que la relation entre l’enfant et sa mère. Par la suite, on a donné une place au père.
- Des conditions nécessaires à la construction du liens d’attachement :
La personne prend soin physiquement et émotionnellement de l’enfant : elle s’investit et s’engage dans la relation.
Sa présence est importante, constante et stable auprès de l’enfant.
L’attachement SECONDAIRE : l’enfant peut tisser des relations significatives avec d’autres personnes, dont le personnel éducateur
L’enfant développe un style d’attachement pour chaque personne significative de son entourage en fonction des expériences qu’il vit avec chacun d’eux. Généralement, il choisit la personne qui représente pour lui une stabilité affective et qui est en situation de disponibilité et de bienveillance.
(Bouchard, 2019)
Les éducateurs/trices occupent une « niche sensorielle », sorte de constellation dont l’étoile maternelle reste la principale, la plus brillante, la plus saillante pour l’enfant, mais n’est pas l’unique.
(Cyrulnic, 2018)
Les ingrédients qui favorisent la construction d’un attachement sécurisé
Les gestes d’affection, le temps passé à se faire câliner et la proximité physique sont la nourriture primaire, voir même prioritaires des jeunes enfants. Ces gestes affectueux passeraient même avant la nourriture.
(Harlow, 1981)
L’OCYTOCINE : C’est l’hormone de l’attachement et du bonheur
- Elle est sécrétée principalement dans les noyaux profonds du cerveau.
- Elle occupe un rôle important dans l’accouchement et l’allaitement.
- Elle régule toutes nos émotions, favorise notre empathie et facilite notre réaction positive au stress.
- C’est « Le modulateur clé » de nos relations sociales et de nos comportements.
- C’est celui qui est câliné, pris dans les bras par quelqu’un. Un câlin est un geste assimilable à de la bienveillance et à l’amour. La personne qui le reçoit se sentirait envahie par un sentiment de bien-être.
Les gestes d’affection sont essentiels à la création du lien d’attachement sécurisé
Les impacts FAVORABLES de l’ocytocine | Des CONSÉQUENCES GRAVES au manque d’ocytocine |
➮ L’ocytocine agit sur le long terme, en mois et en année. ➮ Elle est libérée lors du câlin par une personne significative. ✓ C’est aussi un puissant anxiolytique et relaxant. ✓ Elle renforce la confiance en soi. ➮ Elle est fondamentale dans les relations mères nouveau-nées puis mère-enfants. ✓ Les étreintes, l’affection et la proximité physique libèrent l’ocytocine. ➮ C’est l’hormone du LIEN, de l’ouverture SOCIALE. Responsable de l’altruisme et de la coopération sociale. | ➮ Lorsqu’il y a carence de libération de l’hormone, on retrouve des effets négatifs et des difficultés à la vie de groupe. ✓ Le bébé se sent insécurisé. ✓ L’adolescent devient timide ou agressif. ✓ L’adulte développe des relations de couple immatures : évitement, dépendance, etc. ✓ Développement de phobies sociales |
La méthode Kangourou et le contact peau à peau avec bébé
La méthode Kangourou, qui consiste à mettre bébé peau à peau avec son parent, permet de vivre plus en douceur la transition de bébé vers le monde extérieur. Cette méthode procure plusieurs bienfaits, dont l’activation de l’ocytocine.
Vous trouverez un article complet sur la méthode kangourou de naître et grandir, 2017.
Du temps de qualité passé entre vous et votre enfant
✓ Prendre du temps de qualité avec votre enfant un peu chaque jour :
- Manifester des gestes d’affection.
- L’écouter vous parler de sa journée
- Jouer à un jeu qui l’intéresse.
- Aller le border dans son lit, lui lire un livre qu’il aime.
La constance, la stabilité, la prévisibilité
- Répondre à ses besoins avec constance.
- Lui offrir un environnement stable.
- L’aviser à l’avance de ce qui s’en vient, soyez prévisible.
- Faire un horaire quotidien régulier et lui apprendre à s’y référer.
- Lui donne du temps pour mettre en action ce que vous lui demandez.
Les mots apaisent les maux : mettre des mots sur les émotions et les besoins
- Accepter que votre enfant vive des émotions négatives (tristesse, la colère et la peur)
- Verbaliser l’émotion et interpréter le besoin de votre enfant avec une voix calme et sans jugement. Ex : « Tu es fâché, tu voulais continuer à jouer durant le repas. »
- Reconnaître les émotions que vous ressentez face aux comportements de votre enfant. Prendre un recul, si besoin.
Mettre à sa disposition du matériel réconfortant et qui favorise la compréhension et la verbalisation des émotions
Des actions qui facilitent la création du lien avec l’éducateur/trice
Lorsque vous intégrez votre enfant au service de garde, il est favorable de lui faire vivre des moments où il est pleinement réveillé, soit 2-3 heures avant la sieste d’après-midi, avec une fréquence quotidienne. Votre enfant a besoin de temps pour s’adapter à son nouvel environnement, à sa routine et aux nouvelles personnes qui l’entourent.
Voici quelques conseils pour préparer votre enfant de 18 mois et plus, bien AVANT son intégration au service de garde.
- Faire le sevrage de jour de l’allaitement.
- Vous assurez qu’il ait déjà mangé la plupart des aliments en morceaux et non en purée.
- Lui avoir fait vivre l’expérience de manger assis à table avec sa famille.
- L’habituer à manger lui-même avec un ustensile.
- Le faire participer à son habillage, à ses déplacements.
- L’amener visiter son nouveau milieu et lui présenter sa nouvelle éducatrice ou son nouvel éducateur.
- Lui parler du nouveau service de garde.
- Faire des promenades dans le quartier et passer devant le service de garde.
- Lui lire des imagiers sur le sujet de la « garderie ».
- Etc.
Écouter la Vidéo :
Comment aider l’enfant à tisser des liens avec une nouvelle personne ? (2018), 2 minutes.
De plus en plus d’enfants insécurisés
- Dans les années 70, les recherches sur la théorie de l’attachement parlaient de 66% d’enfants ayant un attachement de style sécurisé.
- En 2011, Bowlby, fondateur de la théorie de l’attachement, avance l’idée que 70% des enfants auraient un style d’attachement insécurisé.
- Les enfants ayant un trouble de l’attachement seraient passés de 3 à 10% depuis les années 70.
Des raisons qui peuvent expliquer la création d’un attachement insécurisé
- Le parent n’arrive pas à décoder les besoins de son enfant derrière la manifestation de ses émotions. Résultat : L’enfant enregistre que ses émotions ne sont pas « partageables » et s’enferme dans un sentiment d’insécurité face à la relation.
- Le parent a du mal à trouver la bonne synchronie avec son enfant : tantôt, il le surprotège, et à d’autres moments, il le laisse faire sans cadre ni règle, le plaçant directement dans de l’insécurité affective.
- Le parent manque de temps de qualité passé avec son enfant : à s’amuser, à donner des marques d’affection, à se rendre disponible à la relation, etc.
- Les enfants ont besoin de congé, juste ne rien faire.
L’anxiété de séparation
- C’est une anxiété excessive concernant la séparation avec la maison ou les personnes auxquelles l’enfant est attaché.
- L’anxiété de séparation devient problématique et nuit à l’enfant lorsqu’elle persiste après l’âge de 3 ans.
- L’enfant ne trouve pas ses propres stratégies internes pour se réconforter sans l’objet extérieur : son parent
Écouter la Vidéo :
Angoisse de la séparation, comment gérer ? Saint-Sernin, N.,(2021). 5:14 minutes.
En conclusion
- L’attachement consiste à décoder les besoins de l’enfant et à s’y ajuster pour y répondre avec constance et bienveillance : c’est le plus grand facteur de protection chez une personne.
- 70% des enfants ont un style d’attachement insécurisé.
- L’hormone de l’ocytocine est celui de l’attachement et du bonheur. Elle est sécrétée lorsqu’on fait une étreinte ou un câlin à une autre personne.
- La méthode Kangourou, qui est un contact peau à peau entre le parent et son bébé, favorise la sécrétion de l’ocytocine et bien plus.
- Il existe 4 styles d’attachement : 1 sécurisé et 3 insécurisés. L’enfant peut développer différents styles d’attachement selon la figure d’attachement, son preneur de soins.
Ressource pour les parents : des idées de livres sur l’attachement
Médiagraphie
APA.(2013). Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux : DSM-5.
Cerveau et psycho. (2016). Mieux comprendre les troubles psychosomatiques. P.59.
Cyrulnic, B. (2016). Boris Cyrulnik et la petite enfance. Éditions Philippe Duval.
Delage, M. et Martel. L. (2018). L’attachement dans la petite enfance. Éditons Philippe Duval.
Simard, H.et l’équipe de la clinique spécialisée des troubles anxieux du CHU Sainte-Justine. Les troubles anxieux chez l’enfant et l’adolescent. www.portailenfance.ca/wp/modules/troubles-du-developpement/volet-2/trouble-developpement
©️ 2021-2023 Caroline Venne, consultante et pédagogue spécialisée en petite enfance | Centre de la petite enfance Les Marmousets
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